Je suis une pierre, sous une pierre, sous une pierre


Commissariat : Marianna de Marzi

Vernissage mercredi 26 juin 2024 de 18h à 22h - Exposition 26 juin - 24 juillet 2024 - prolongations du 20 au 31 août 2024

La galerie S. est ravie de présenter l’exposition collective intitulée « Je suis une pierre, sous une pierre, sous une pierre », qui se tiendra du 26 juin au 24 juillet 2024. Cette exposition réunira les œuvres des artistes émergentes Ekaterina Costa, Léa Dumayet et Morgane Porcheron. En parallèle, ces artistes exposeront également au DOC!, du 4 au 11 juillet 2024 dans une exposition intitulée « Pierre qui roule n’amasse pas mousse », commissariée par Marianna de Marzi.

Gertrude Stein, dans « Everybody who was anybody », nous offre une réflexion sur la puissance des noms et leur invocation : « Tu peux aimer un nom et si tu aimes ce nom, alors, dire ce nom un certain nombre de fois ne te fera que l’aimer davantage, plus violemment, plus intensément, plus impatiemment. Une rose, est une rose, est une rose... J’ai fait de la poésie et qu’ai-je fait ? J’ai caressé, littéralement caressé et adressé un nom. »

À travers leurs œuvres, Ekaterina Costa, Léa Dumayet et Morgane Porcheron explorent et caressent la pierre sous toutes ses formes. La pierre, élément fondamental de l’édifice, est celle qui se sédimente, qui se découvre couche par couche, celle, blanche, qui renferme des souvenirs à marquer, celle qu’on ramène d’un voyage. Et, pour la sculptrice, la sculpture existe déjà dans la pierre avant même de la travailler.

L’exposition nous invite à suivre un cheminement, pierre après pierre, comme les petits cailloux du Petit Poucet, pour nous perdre et nous retrouver dans un voyage artistique et introspectif.

_______________________________________________

« Je suis une montagne gigantesque.

Je suis une pierre.

Je suis une pierre sous une pierre - sous une pierre.

Je bouge si lentement que je semble immobile. »

Ce sont les paroles chantées en allemand par le groupe KOMPROMAT dans le morceau techno pop « Niemand ». La répétition marque un rythme circulaire que l’on retrouve tant dans l’architecture de l’espace que dans les œuvres exposées, mais aussi dans la correspondance entre les recherches des trois artistes, qui partagent leur atelier depuis plusieurs années. Ces phrases résonnent comme un chuchotement discret, un écho entre les éléments qui habitent la galerie S, évoquant la stratification des expériences vécues, des conversations et des réflexions autour de la création qui ont consolidé les fondations d’une profonde amitié.  

Dès l’entrée de la galerie le regard est saisi par le mouvement, celui inscrit dans chaque méandre des sculptures de Léa Dumayet dans lesquelles nous percevons son corps à corps avec la matière qu’elle modèle. Mais aussi celui des silhouettes des grues blanches du mobile d’Ekaterina Costa, qui flottent éclairées par les rayons qui traversent la vitrine. Avec leurs ombres, elles se multiplient et se déplacent au changement de la lumière, pour enfin disparaître. Elles tournent en rond sans jamais s’arrêter complètement. Dans son installation nous retrouvons la même délicatesse et légèreté avec laquelle Léa Dumayet suspend les éléments de ses sculptures qui, pris entre résistance et pesanteur, défient la gravité.

Cette suspension, que l’on retrouve dans presque toutes les œuvres, insuffle une verticalité qui contraste la rondeur. De la sculpture centrale de Léa Dumayet qui fend en perspective l’arche de la galerie, aux totems fantomatiques des “Souvenirs de poche” d’Ekaterina Costa, jusqu’aux deux piliers de l’installation « Colonnes Fragmentées » de Morgane Porcheron, qui font émerger un paysage invisible qui relève toute la richesse souterraine. Comme des nids protégeant la vie naissante, des écrins de terre soigneusement modelée accueillent des plantes et du terreau et montrent, à hauteur du regard, le mélange de strates dont notre sol est composé.

 

La trace est un dénominateur commun dans les univers respectifs des trois artistes. Une tentative d’arrêter l’effacement de la mémoire dans le travail d’Ekaterina Costa, qui fige les souvenirs intimes de son passé, dont les images réapparaissent réactivées par la lumière. Léa Dumayet capture le mouvement de son souffle, créant des ondulations qui altèrent la surface lisse de la cire, avant qu’elle soit perdue, coulée en bronze. Morgane Porcheron, prend les empreintes de fragments des matériaux de construction repérés lors de sa résidence à Forte Marghera, forteresse aux portes de la lagune vénitienne, dans la volonté de décrire un paysage dans son rapide changement.

Qu’il s’agisse de répertorier des fossiles du futur ou de collecter des bribes de souvenirs, des indices imperceptibles comme le mouvement de la pierre deviennent évidents à nos yeux, nous invitant à interroger le passage du temps à travers ses multiples processus de transformation.

 

Marianna De Marzi

S.I.S.