D’enfants

1998

« La photographie de Laurence Leblanc s’inscrit bien dans ne certaine tradition française, intimiste et discrète jusque dans les choix du for- mat, du flou et de la riche gamme de gris. Mais elle vaut surtout, nous a-t-il semblé par l’adéquation de ce registre formel au projet général, c’est-à-dire une tentative pour cerner le monde solitaire et enchanté de l’enfant en train de jouer. Cerner est d’ailleurs le mot, tant Laurence Le- blanc semble délimiter précisément l’espace imaginaire que l’enfant se- crète autour de lui, le délimiter sans intrusion violente, mais au contraire avec un respect attentif, par le choix de la distance et du cadrage justes. Ce sont là des images graves, qui seraient angoissantes de solitude et d’absorbement s’il n’y avait aussi, pour compenser, une sorte de grâce légère. Les enfants sont saisis dans des poses simples pourtant, mais le geste arrêté éclaire et emplit l’espace qui les entoure. Il règne dans ces photographies, ce qu’on pourrait appeler une sorte de fantastique fami- lier, un mélange de poésie ordinaire et d’étrangeté. Où sont-ils ? qui sont- ils ? La légende donne l’information, mais la photographie n’en a cure : L’espace qui naît du jeu, du geste, de l’absorbement, n’a pas de géo- graphie. C’est un espace intérieur, qui déborde sur le monde extérieur et se l’approprie sans effort. Aucune invitation à entrer dans ce cercle en- chanté : nous sommes tenus à distance, renvoyés à ce que nous savons encore, si nous avons cette chance, de l’enfant en nous. »

- Régis Durand