Vivant

2015 - en cours

«Je propose au travers de ce travail une expérience de rencontre du vivant. Sous ses formes humaines, végétales ou animales, j’ai à cœur de célébrer toutes les manifestations du vivant dans leur beauté riche et complexe. J’aimerais inviter le spectateur/lecteur à une écoute visuelle, fruit de mon cheminement sur le thème des parures corporelles.

Selon l’analyse anthropologique, la parure fonctionne comme un langage codé. A l’image d’un blason, c’est un signe visuel qui donne une information sociale, culturelle, voire biologique. Agissant de fait sur la façon dont nous rentrons en contact avec les autres. Après avoir consacré plusieurs travaux à l’exploration des parures corporelles ornementales et traditionnelles, je m’intéresse depuis 2015 aux parures corporelles les plus élémentaires. Les plus vraies aussi. Celles qui se racontent par le corps et qui ne peuvent se passer d’une peau pour être.

J’ai choisi d’écouter ces détails de l’intime avec lesquels nous venons au monde et qui muent au cours de nos existences. Ce n’est pas la nudité en tant que telle que j’explore, mais plutôt le corps comme demeure de l’âme. En tant que photographe plasticienne et thérapeutique, j’ai l’intuition que le langage corporel exprime extérieurement ce que nous sommes à l’intérieur. L’attitude corporelle, la façon de se trouver dans son corps sont plus qu’un agencement physique, ils expriment notre façon d’être présent au monde. Plus encore que par les mots, le corps, bavard, nous dévoile en tant qu’individu. Il exprime des émotions indicibles. Chaque corps ayant tant à dire sur son histoire, ses désirs, ses joies, ses peines... Sa voix ne sait pas mentir et mérite qu’on s’arrête longuement pour comprendre, détendre. Car rencontrer le corps c’est aussi faire place aux conditionnements, aux tabous, aux traumatismes de chacun.e. J’ai recueilli le témoignage des personnes photographiées sous forme d’interviews enregistrées et retranscrites.

Au delà des mots, j’ai fait le choix d’écouter ce langage silencieux.
C’est à cette expérience intérieure que j’aimerais inviter le spectateur/lecteur.
Car cette écoute nous offre la possibilité d’une expérience plus profonde, plus intime. Une expérience d’unité nourrie par la diversité corporelle. Celui-ci exprime dans sa manifestation une vérité essentielle. Lorsqu’elle est entendue – et c’est à cette écoute que je me consacre au travers de mes photographies, il se révèle organe de connexion à une vérité plus vaste. La célébration amoureuse du langage du corps abolit l’illusion de la séparation avec le tout. Il dévoile alors sa connexion à toutes les formes de vie. Le tissu de correspondances qui mène sous une destinée commune les animaux, les plantes, l’homme et le monde invisible s’en trouve révélé.»

Isabelle Chapuis