What does freedom look like ?


25 octobre - 2 décembre 2023 - Vernissage mercredi 25 octobre de 18h à 21h30

Commissariat : Pascale Obolo

«Se lever, s’effondrer, chanceler, se raidir, se tendre,

perdre la tête,
rire, faire un grand écart,
égarer sa chaussure,
toujours léger, jamais
soumis, et on aimerait
que l’harmonie
ne s’arrête jamais.» - Laurence Leblanc.

L’exposition «WHAT DOES FREEDOM LOOK LIKE» de la photographe Laurence Leblanc transcende les frontières de la photographie pour devenir une véritable ode à la vie. Il s’agit d’un long poème photographique, rythmé par des dessins et des textes, qui explorent en profondeur la notion de liberté. «WHAT DOES FREEDOM LOOK LIKE ?» – que l’on pourrait traduire par « à quoi ressemble la liberté ? » – présente des images de liberté en mouvement.

La structure de cette exposition, conçue avec soin, est divisée en strophes thématiques : liberté de la création photographique, affranchissement dans la « dé-construction » des codes pour mieux « re-construire », volonté de jouer avec le temps et la mémoire, faculté de trouver l’immobilité au cœur de la vitesse.

Cette expérience est en une célébration de la liberté des représentations, où le spectateur a le loisir de lire à travers les images et de s’exprimer sans crainte. C’est également un espace où le temps est étiré pour permettre une observation approfondie du monde dans toute sa complexité et son tumulte. Pour Laurence Leblanc, « la photographie est une langue vivante, un moyen d’exploration où le silence a une place particulière, et où l’abstraction, l’imaginaire et la matière se rencontrent ». L’artiste crée des images qui agissent comme des miroirs, réfléchissant quelque chose de profondément intime de l’autre. C’est une représentation de ce que pourrait être la liberté pour la photographe : la capacité de se voir à travers l’autre, tout en restant maître de soi-même. Aussi la matérialité de la photographie, son existence physique sur la surface sensible du tirage, permet d’en révéler subtilités et nuances.

L’exposition présente des portraits, qui servent à la fois de matériaux et de performances de liberté. Dans ce second volet inédit de la série « D’argile » nous découvrons des personnages endormis en glaise modelés pour le film de Rithy Panh « L’image manquante » qui témoigne des atrocités du génocide cambodgien. La manière dont la photographe nous montre ces figurines « en reflet » entraîne un renversement étonnant, capturant un jeu intemporel de regards dans le miroir. C’est une vision humaniste multidimensionnelle de la liberté, où chaque photographie peut être lue à plusieurs niveaux, révélant le regard de l’autre à travers soi, et le regard de soi à travers l’autre.

Ces portraits incarnent la fragilité humaine, la relation de chacun à des vies passées, des événements lointains, de personnages effacés et des lieux oubliés. Impossible pour le regardeur de connaître “la temporalité de l’instant”. C’est d’ailleurs la magie et la singularité de ce travail, nourri d’intuitions, de mélanges de formes, et d’expressions. La liberté en mouvement se trouve aussi bien dans la lecture de l’image, dans l’énergie des sujets photographiés, que dans le mouvement conceptuel, qui se manifeste par l’absence d’expressions sur les visages.

Pour la photographe, la série « L’idée du commun » réalisée en Afrique du Sud, est une recherche autour des traces indélébiles, visibles et invisibles, dans un pays où Nelson Mandela a tenté de repenser l’idée du vivre ensemble. Elle a posé son regard sur de jeunes adultes vivants à Soweto, qui réexplorent leur intériorité, en dessinant au crayon leur propre image. C’est un voyage dansl’envers de l’endroit, dans le flou du réel. Ces doubles portraits affleurent à la surface photographique telles des présences surnaturelles mystiques : esprits ou fantômes. Laurence Leblanc réinvente ici l’exercice du portrait en défiant les conventions.

Les œuvres de Laurence Leblanc respirent l’indépendance d’esprit. Son approche est basée sur un temps d’observation long et intuitif. Équilibriste, elle a l’art de questionner le chaos avec un réalisme empreint de douceur. L’exposition « WHAT DOES FREEDOM LOOK LIKE ? » à la Galerie S. nous offre ainsi une réflexion approfondie sur la manière d’être au monde. Elle propose une utilisation de la photographie, du dessin ou de la poésie comme vecteurs de remise en question des stéréotypes, de renversement des récits médiatiques et de promotion de la transformation sociale. Laurence Leblanc évoque en cela la citation de Fred Moten selon laquelle «la connaissance de la liberté réside dans l’(in)vention de l’évasion.» (1)

Laurence Leblanc nous invite à voir les choses sous un angle différent, à revisiter l’histoire et l’identité des personnes représentées dans ses œuvres. Elle nous offre la possibilité de vivre des expériences transformatrices, qui modifient notre perception de ce qui est naturel. Avec une volonté d’interagir, en présence et dans l’espace, dans un monde de plus en plus complexe, repoussant les limites entre la pratique photographique contemporaine et un temps à venir.