Chevaleresses


5 septembre - 21 octobre 2023 - Vernissage samedi 2 septembre de 16h à 21h30

Le mot "Chevaleresse" existe depuis le Moyen âge pour désigner non seulement la femme du chevalier mais surtout la femme qui appartient à un ordre de chevalerie. L’historienne Sophie Cassagnes-Brouquet rappelle dès l'introduction de son livre « Chevaleresses, Une chevalerie au féminin » que le Moyen Âge n’était peut-être pas si « mâle » que ça : c’est un fait, la Chevalerie s’est également belle et bien vécue au féminin. 

Si ces femmes guerrières ont fait rêver leurs contemporaines (à travers, en littérature, la figure des 9 Preuses ou encore des Amazones), elles seront oubliées à la Renaissance au profit de figures religieuses, obéissantes, chastes et vertueuses jugées plus adéquates et moins belliqueuses. Pourtant, ces chevaleresses inspirent encore aujourd’hui des artistes contemporain·es qui ont, à leur tour, repris les armes. 

"Les artistes réuni·es sous cette bannière dans l’exposition, proposent de rendre visible ce que peut être une vision féminine du monde, dans des domaines où son regard n’était souvent pas considéré. Y sont détournés la nudité, les armes, la cote de maille, l’écrit, le langage héraldique et ses codes, le cheval et autres symboles auquel la notion chevaleresque se réfère. Le vocabulaire plastique qu’iels forment, vise à attirer l’attention par leurs œuvres sur des thèmes classiques revisités par des femmes et des personnes non binaires, à exprimer une inversion de la pensée pour bousculer les stéréotypes de genre. Chacun·e à leur manière pointe du doigt le lieu de conflit et d’incertitude dans lequel iels avancent en combattant·es comme le sont les femmes, les guerrières, les chevaleresses. Elles ne font pas le choix de lutter, mais elles s’en sentent le devoir, tout simplement. C’est de leur vie et de leur dignité qu’il s’agit et aussi des nôtres, nous les femmes. Puisque nous devons nous défendre. Ni victimes, ni proies, ni militantes, ni agressives, nous sommes sans arrêt sur le qui- vive, nous sommes en résistance face à des gens qui nous menacent, nous soumettent, nous invisibilisent. Nous ne choisissons pas la cause des femmes, nous ne nous engageons pas, nous réagissons en rapport aux problèmes que nous rencontrons et ne voulons pas/plus subir. Nous ne souhaitons nullement être plaintives, passives, esquintées, violentées, violentes, agressives, combatives. Nous ne faisons que nous défendre des agressions qui nous sont infligées et imposées, tant morales, psychologiques que physiques."

Isabelle de Maison Rouge, Docteure en art et science de l’art, historienne de l’art et critique d’art (extrait du texte de l’exposition)

“Au début du deuxième millénaire, l’activité guerrière est, selon diverses modalités, professionnalisée et aristocratisée au sein de la Chrétienté latine. La chevalerie renvoie alors à une catégorie sociale formée par les milites, nommés « chevaliers » en ancien français, termes désignant les spécialistes du combat à cheval. A compter du XIIe siècle, la littérature fait la part belle à cette élite qu’unifierait une morale fondée sur des valeurs et qualités (prouesse, largessLe, honneur, vaillance...) justifiant sa supériorité au sein de la société. Comme le rappelle Sophie Cassagnes-Brouquet, le modèle chevaleresque – pensé, fantasmé, et représenté – doit donc également s’entendre comme une idéologie. (...)

Le dénigrement du « Moyen Âge », entamé dès l’époque dite « moderne » annoncée par une « Renaissance », a contribué à masquer la diversité des rapports qu’entretenaient les femmes avec la guerre. Réduite à une poignée de fantasmes, la période médiévale sert au XIXe siècle de repoussoir pour mieux vanter les progrès d’une société que l’on souhaite/espère guidée par les Lumières et la science. Ainsi, en cantonnant le féminin au statut de victime, l’histoire a précipité les chevaleresses et les authentiques faits d’armes accomplis par les dames médiévales dans l’oubli. Et avec elles, les rêves de femmes guerrières...”

Louise Gay, Doctorante en Histoire médiévale, Université Sorbonne Paris Nord (extrait du texte de l’exposition)